l’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve.

Une coutume que tu prends grand soin de faire durer. Le verre est grand mais le contenu diminue à vue d’œil, t’en es à combien cinq ou six verres depuis que t’as posé tes fesses sur le tabouret ? T’appelles ça « l’instant d’après » celui que tu fais comme un rituel à chaque fois que tu quittes les locaux de Belkin Porn Industry le jeudi soir. Une foule certaine, une musique plutôt loundge. Dans ce bar, ils ne sont pas nombreux à pouvoir se payer le prix d’un simple verre de vin, alors envisager pouvoir balancer les billets pour le whisky japonais que tu es entrain de siroter. Clientèle select, principalement des hommes du monde des affaires et des femmes qui ont réussi, elles aiment le cigare, tu les as mâté à plusieurs reprises, t’as parlé à quelques unes d’entre elles et t’en as ramené certaines chez toi, quand ton chez toi était encore cette garçonnière où ne traînait pas des camions de pompiers, tu te prends toujours les pieds dedans, tu râles, tu balances des insultes, tu râles de nouveaux puis tu regardes la photo posée sur le meuble dit « vide poche » qu’elle a acheté, Owen, et là t’oublies que ça te gonfle.
D’une gorgée tu termines le liquide dans ton verre, claques des doigts pour interpeller le barman et tout aussi rapidement le verre est rempli. Simple tête qui se hoche pour le remercier. Pas de glaçon, tout amateur de whisky sait qu’on ne mélange pas l’eau, aussi pure qu’elle soit dans ce bar, et cet alcool. Elle est plutôt agréable à regarder cette femme, tailleur pantalon, petite paire d’escarpins à la semelle rouge, ton sourcil qui se lève, elle te lance un sourire, tu lui réponds par le verre que tu lèves. Et si ce soir tu poursuivais ta quête ?

Des regards langoureux, t’es presque prêt à allonger ta black card pour poursuivre cet échange purement visuel. Pourquoi ? Parce qu’elle est brune, parce qu’elle ne ressemble pas à celle qui habite chez toi et encore moins à celle qui fait des heures supplémentaires sous ton bureau. Si tu la juges à ce que tu vois, elle doit être dans la finance ou dans la communication, une jolie boîte en plein Paris, une trentenaire qui n’a pas encore trouvé l’homme qui lui passerait la bague au doigt, ça ne sera probablement pas toi mais, le temps d’une soirée, tu pourrais lui faire redécouvrir le plaisir de se sentir unique, à moins que…
Une voix qui s’approche de ton oreille, une odeur dans laquelle se mélange l’herbe fraîchement consommée ainsi qu’un alcool brut ingurgité avant de finir la soirée dans ce bar. Elle détourne le regard, tu soupires en terminant d’un trait le liquide dans ton verre. Rictus sur le coin de la bouche, Valère Livingstone, le petit hériter anglais qui s’enterre dans un boulot de merde, sûrement pour occuper ses journées. « Plus on est de fou, plus on rit, c’est pas le dicton ? » Tes yeux qui dérivent de l’autre côté de la silhouette d’un partenaire de soirée que tu sembles connaître plus que de raison. Le coup de menton qui s’en suit en direction de cette femme. « Je me dis que ta présence n’est pas hasardeuse. » Diabolique que tu es. Ta relation avec le garçon est assez… particulière si l’on peut dire. Tu ne choisis pas tes connaissances au hasard, bien au contraire, tu évalues d’abord ce qu’il se trouve dans le compte en banque avant de juger de l’intérêt qu’ils pourraient t’apporter. D’un claquement de doigt, le barman comprend ton appel. « Je savais pas que tu jouais avec les gosses. » La petite bande de garçons entrée avec lui, les nouveaux riches comme tu les appelles.

« Val' tu sais très bien ce qu'il se passe à chaque fois que nous nous rencontrons. » Et forcément tu ne caches pas le plaisir que c'est de partager certaines de tes prouesses en compagnie du trentenaire qui te fait face. Quitte à amener la curiosité de cette parfaite inconnue qui tend l'oreille face à une discussion qui pourrait se faire d'ordre privé, mais de toute évidence, vous savez très bien où cette histoire vous mènera, avec elle, pu avec une autre.
Tu ne le regardes pas, non, tu préfères observer les allés et venus des clients à travers le miroir situé derrière le bar et tu ne manques pas de sourire face à sa repartie. Il t'amuse le garçon, bien que ses amis ne soient définitivement pas à ton goût, ce que tu préfères dans ces parties privées ce sont les belles courbes de celle que vous chevauchez. « Disons que je suis sélectif dans mes fréquentations. » Il suffit simplement de juger le costume que tu portes, tout le monde ne peut pas se permettre de mettre le même prix dans ce genre de fringues. « Je n'aime pas être entouré de personnes qui ne m'apportent rien. » D'où cet air détaché ou grincheux si l'on en suit ce qu'il te dit. Madame tend l'oreille. « Offert par les bons soins de mon camarade. » C'est discrètement que t'as commandé des verres en plus, main sur l'épaule de ce camarade de jeu.

« S’entourer des moins bons pour paraître meilleur, c’est une philosophie. » Que tu n’appliques pas, évidemment. Haussant les épaules, les lèvres qui tirent légèrement vers le bas. Tu le comprends le garçon, tu reconnais que le principe n’est pas le plus bête bien au contraire mais c’est loin de ton style. Loin de l’apparence que tu montres. Toute ta vie t’as baigné dans le luxe, dans l’opulence de l’argent et, à l’exception de ton père, dont tu doutes qu’il ait retiré ton prénom de son testament d’ailleurs, ton carnet de relations, proches ou lointaines, n’est rempli que d’un personnel qui t’apporte quelque chose. Tu penches finalement la tête, cul sec mon pote ! Il est temps d’entrer en action. Valère ne t’a pas rejoint pour une simple et banale discussion, tu le sais, cette soirée se finira comme toutes les autres quand t’es avec lui.
Joli petit bout de femme curieuse qui vous sourit. À défaut de faire l’amour à Juliette qui t’as clairement blacklisté de ses partenaires au lit, faut bien que tu trouves du réconfort. T’es un homme à femmes, tu l’as toujours été. Pas seulement de réputation, véritable addiction que tu traînes avec toi depuis de longues années. Bien évidemment que t’essayes de la soigner, enfin, t’as essayé au début, avant de brancher et baiser la présidente de cette association. À quoi bon renier ta vraie nature ? T’en as fait ton métier, tu paies des gens pour qu’ils se fassent filmer entrain de coucher ensemble, c’est ça la vie, c’est ça ta vie.

« Pardonnez les fréquentations de mon ami. » Que tu lances à la proie qui s’est complètement tournée vers vous. D’un regard qui vacille entre ledit rouquin et ton acolyte qui se trouve à côté de toi. « Je vous assure qu’il n’est pas comme eux. » Parce qu’il faut bien attirer la mouche dans votre toile qui se tisse autour d’elle. Ses cils qui battent à tel point qu’elle pourrait s’envoler de son tabouret. « Et ce n’est pas faute de lui avoir répété plusieurs fois de mieux choisir ses… » Une petite pause que tu marques, sourire diabolique qui se plante sur tes lèvres. « Partenaires. » Pupilles qui se plantent dans celles du riche garçon.
Tel un gentleman tu tends ta main vers elle. Alice, prénom français, prénom commun et même son nom de famille ne t’en dit pas plus, peut-être que l’endroit où elle bosse pourrait t’en dire vaguement d’avantage mais vous n’êtes pas là pour épier son CV. « Alors ce que je vous propose Mademoiselle, c’est de s’éclipser de ce bar et profiter de l’intimité d’un endroit plus… Chaleureux. » Chez elle ou dans une chambre d’hôtel, hors de question de ramener ce duo dans ton loft. Tu dévoiles tes canines, lâches l’épaule de ton ami, carte de crédit piégée entre ton index et ton majeur fièrement levée en direction du barman. « Du moins si vous voulez nous suivre. » Elle ou une autre de toutes façons. « Tu ferais mieux de dire au revoir à tes amis Valère. » Dernier murmure que tu lances à l’oreille du garçon, tu t’es déjà levé de ton siège prêt à te tirer d’ici.

Les yeux qui roulent derrière tes orbites quand Valère annonce qu’il doit aller annoncer sa bande d’amis. Ta main déjà placée dans le creux des reins de la femme qui accompagnera la fin de cette soirée, doucement tu t’approches de son oreille. « Il n’écoute jamais rien des conseils qu’on lui donne. » Et voilà qu’elle se met à glousser tandis que tu accentues cette remarque avec un léger sourire, de ton autre main en l’air tu lui dis de vaquer à son occupation avant qu’il ne vous rejoigne.
Direction l’extérieur du bar, t’as déjà commencé à montrer tes fins talents en matière de préliminaires puisque le cou de ladite Alice semble se marquer de rouge, elle ne dit rien, elle glousse encore, douce main qui vient se poser sur ta mâchoire qu’elle caresse avec envie de poursuivre vos échanges. Remarque, ce soir t’aurais peut-être pu profiter seul de ta nouvelle proie, un instant cette idée qui te traverse l’esprit avant d’entendre non loin de vous la voix du garçon. Un long soupire qui s’échappe de ta gorge, madame entre dans l’intérieur de l’habitacle. « Je te laisse le soin de payer la chambre d’hôtel. » Nouveau sourire au coin des lèvres quand ton regard rencontre le sien. T’es bien gentil mais s’il veut vous suivre au bout de votre aventure nocturne il devra, à son tours lâcher quelques billets, la main posée sur l’épaule de ton acolyte que tu tamponnes sympathiquement, tu finis par entrer à l’intérieur, pas de chance pour Valère, tu te retrouves au milieu, une main baladeuse posée sur la cuisse dénudée de cette femme, jouant de ton index pour relever son tailleur par de petites chatouilles. « Et où allons nous d’ailleurs ? » Dans l'attente de sa réponse, parce qu’il est impensable, encore une fois, que vous finissiez la nuit dans ton loft, pas maintenant que tu as femme et enfant qui y vivent.

D’une discussion dont tu te fiches parfaitement, les lèvres trop occupées à donner des baisers fougueux sur votre proie nocturne. Main baladeuse qui caresse sa cuisse, qui fait remonter sa jupe, elle disparaît sous cette dernière, Alice qui se redresse, qui passe un regard chaud sur ton entrejambe avant de deviner aisément la suite des événements, à son tours de toucher du bout des doigts cette bosse encore petite dans un costume payé une petite fortune, plus langoureuse, plus ouverte, elle écarte ses jambes, laissant libre place à l’aventureux doigté que tu lui offres. Coup de canines sur sa chair, tes yeux qui eux ne quittent pas un seul instant la silhouette frêle de ton partenaire de jeu. « Ne jamais faire dans la demie-mesure Val’ » Petit sourire qui étire tes lèvres, elle prend une profonde inspiration, est-ce qu’elle aime ce que tu lui fais ? Probablement, elle se dandine timidement sous les petites pressions que tu exerces à travers la fine dentelle de son sous-vêtement.
Forcément que le chauffeur voit ce qu’il se passe à l’arrière, mais tu l’as assez bien payé pour qu’il ne vienne pas vous demander d’en sortir au bord de la route. « Un conseil mon jeune ami, tu devrais parler moins et agir plus. » Des pupilles qui se dilatent, des regards plein de sens que vous lui lancer, s’il veut également avoir de son pain, il ferait mieux de commencer à participer à votre petit jeu maintenant qu’elle balance la tête sur l’épaule de ton ami, haletante dans son oreille.